Les mères qui blessent...

La mère « qui blesse » n’est pas, ou fort peu souvent, à l’image de la Folcoche d’Hervé Bazin (Vipère au poing). Elle est plus banale, nettement plus insidieuse, incroyablement plus blessante. Et ces blessures laissent de profondes cicatrices qui ne demandent qu’à s’ouvrir chaque fois que la figure maternelle, réelle, ou symbolique, réapparaît. « La liste des adjectifs est longue », remarque l’auteure en introduction, pour qualifier une mère suscitant la souffrance de l’enfant devenu adulte. Longue mais toujours incomplète, ce qu’une citation – en conclusion – de Sàndor Ferenczi (L’Enfant dans l’adulte) éclaire.

 

Anne-Laure Buffet, thérapeute spécialisée en accompagnement des victimes de violences psychologiques, s’adresse aux adultes, tant aux mères qu’à leurs enfants, filles et garçons d’hier et d'aujourd’hui, hommes et femmes d’aujourd’hui, et de demainLa lecture de Les mères qui blessent est autant recommandée à qui se culpabilise ou se ressent encore victime de comportements malveillants, indifférents, fusionnels ou narcissiques de sa mère, qu’aux mères se reprochant d’avoir été toxiques, « maltraitantes » à des degrés divers, et à leur descendance. Donc, aux personnes « en souffrance ».

Elle n’ignore pas non plus toutes ces femmes devenues mères malgré elles, parce que la vie, pour diverses raisons, les y a contraintes ; ni celles auxquelles une rupture a retiré les enfants ou les en a éloignées, les empêchant de pouvoir être pleinement mère – « bonne » mère ainsi que Winnicott l’entendait – pendant un temps. Il n’est donc pas question d’accuser pour accuser, de blâmer pour blâmer, mais de lever un tabou, d’autoriser à dire et se dire, et de proposer d’autres schémas, d’autres paradigmes, d’autres réflexions au-delà d’un constat manichéen opposant la bonne mère à la mauvaise mère.

L’ouvrage se fonde sur des études de cas, qui n’excluent pas ceux des mères victimes de conjoints violents. Le huis clos familial du couple avec enfant(s) domine.

Anne-Laure Buffet donne la parole à de nombreux enfants, aujourd’hui adultes, toujours en difficulté et/ou en souffrance, quêtant encore l’amour de leur mère et cherchant à comprendre pourquoi ils n’étaient pas aimés, pourquoi ils n’ont pas ressenti d’amour, pourquoi ce vide affectif est tellement handicapant et dangereux dans leur vie adulte.

Les cas de Louise, Marine, Anne, Stéphane, Marc, Julia, Sylvie, etc., sont contrastés, même si parfois des similitudes, ou le plus souvent des rapprochements, transparaissent. Des références à des romans, ou films, invitent à prolonger la lecture.

 

Le livre s’inscrit dans la collection Comprendre & agir (fonds Eyrolles Psycho). Il contribue, pour toutes et tous, à mieux comprendre. Se comprendre, saisir aussi ce qui, dans son entourage, peut s’être produit, se répéter, ou se modifier. Si le lien à la mère ne peut pas toujours être réparé, le lien à soi-même peut se construire avec bienveillance, et se transmettre avec maturité et sérénité.

 

Les Mères qui blessent, Buffet, Anne-Laure, éds Eyrolles, Paris, juin 2018, 164 p., 18 €.

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